dimanche 17 janvier 2010

QUAND LES RADIOAMATEURS ECOUTENT LE MOSSAD ET LES COMMUNICATIONS DIPLOMATIQUES

Il est rare de voir associé amateurisme avec renseignement, quoique ce soit le terme récemment utilisé par le général Michael Flynn pour qualifier l'efficacité du renseignement américain en Afghanistan..
. Toutefois, l'objectif de cet article n'est pas de polémiquer sur l'efficacité de tel ou tel service, mais plutôt de constater que le recueil de renseignement peut être à la portée d'amateurs un tant soit peu éclairés.

C'est le cas notamment dans le domaine du renseignement d'origine électromagnétique (ROEM), appelé COMINT par les Anglo-Saxons.

Depuis sa découverte, la radio a suscité la passion de beaucoup. Certains, comme les radioamateurs, expérimentent sans cesse de nouveaux procédés afin de communiquer entre eux. D'autres, plus nombreux et souvent plus discrets, que l'on qualifient souvent à tort de radioamateurs, sont plutôt passionnés par l'écoute des ondes. Ceux-ci passent des journées entières, voire leurs nuits, à scruter le spectre afin d'y découvrir des émissions provenant de pays lointains ou encore d'identifier de nouveaux procédés de transmission. Autrefois isolés, seuls quelques bulletins spécialisés, souvent de langue anglaise, leur servaient à échanger leurs précieuses informations et permettaient ainsi d'identifier de nouvelles stations. Mais depuis la vulgarisation d'Internet, qui permet ainsi l'échange d'informations en temps réel, et le libre accès à des logiciels permettant de décoder toutes sortes de procédés, ils n'ont plus grand-chose à envier aux services spécialisés. Pour qui sait chercher - et surtout quoi chercher - la toile permet l'écoute aussi bien de la radiodiffusion internationale que des communications diplomatiques de certains États.
Le domaine est tellement vaste que beaucoup se spécialisent. Certains n'écoutent que les communications à destination ou en provenance d'aéronefs, d'autres se tournent vers les liaisons diplomatiques entre ambassades et ministères des Affaires étrangères, d'autres encore se spécialisent sur les mystérieuses émissions codées émanant des services de renseignement de différents pays et destinées aux agents clandestins répartis à travers le monde. Dans ce dernier cas, la tâche peut sembler ardue. S'il est vrai que ce type de transmissions est crypté et que les codes sont censés être quasi inviolables, l'amateur éclairé peut, dans ce domaine aussi, surprendre certains professionnels.
Ainsi parmi ces réseaux radios figurent celui attribué au Mossad, le service de renseignement israélien. Un service dont la réputation n'est plus à faire, bien que depuis quelques temps elle paraisse quelque peu surfaite. Parmi les stations appartenant au service israélien, il en est une qui s'identifie habituellement par l'indicatif KPA, Kilo Papa Alpha selon l'alphabet analogique international. Ses transmissions sont généralement constituées de messages codés transmis par groupes de cinq lettres. Cependant, le 15 mars 2006, les opérateurs qui veillaient la fréquence eurent la surprise capter une communication inhabituelle :

KPA - G1O2O3D4N5I6G7H8T

Une rapide étude de cette suite de chiffres et de lettres laisse apparaître un curieux message. En effet, si l'on supprime les chiffres, on obtient « Good Night », soit « bonne nuit » en langue anglaise.
À qui le Mossad souhaitait ainsi une bonne nuit ? Là, le mystère demeure. Cependant ce type d'anecdote n'a fait que renforcer l'intérêt de suivre avec attention ce type d'émission.

Quand les actions de Viva Palestina rendent fébriles les services égyptiens...

Le contexte et la situation internationale peuvent être des éléments déterminants pour la compréhension de ce type de message. Ainsi Yves, que l'on pourrait qualifier « d'amateur éclairé », s'est étonné d'une recrudescence des émissions du Mossad en parallèle avec un échange intense de trafic diplomatique entre le ministère égyptien des Affaires étrangères et sa représentation diplomatique à Londres, et cela entre le 4 et le 9 janvier 2010.

Ci-dessus un exemple de message diplomatique émanant des services de renseignement égyptiens et destiné à l'ambassade d'Égypte à Londres. (Document fourni par Yves)

Il paraît fort vraisemblable que les messages émis à destination de Londres soient en rapport avec les actions de Viva Palestina1, organisation qui cherchait à faire passer à Gaza, toujours sous blocus israélien, un convoi humanitaire. D'ailleurs, en cette occasion, George Galloway, un parlementaire anglais, a été déclaré « persona non grata » par Le Caire. On imagine aisément le type de message que peut générer une telle situation. De plus, les services secrets égyptiens, qui étaient à l'origine de certains messages - toujours selon notre spécialiste Yves - ont dû donner à leurs agents en Grande-Bretagne comme mission première de suivre et de tenter d'anticiper toute nouvelle action de Viva Palestina ainsi que de George Galloway. Voilà donc notre amateur éclairé plongé au cœur même d'une crise diplomatique avec implication de services secrets étrangers.

Des messages du Mossad qui pourraient avoir un lien avec l'assassinat de Massoud Ali Mohammadi

Concernant l'activité particulière des réseaux du Mossad, il est beaucoup moins certain que, bien que se déroulant dans le même créneau temporel, les communications concernent le même événement. Bien que suivant de très près les activités dénonçant le blocus de Gaza en particulier, et toute action de soutien aux Palestiniens en général, le service israélien a depuis longtemps implanté ses agents et autres sympathisants en des points stratégiques permettant de recueillir en amont tout renseignement d'importance. Il semble donc que la cause de ce regain de trafic soit à chercher ailleurs.

Si la Palestine est un des principaux soucis de l'État hébreu, il en est un autre encore plus important. C'est bien sûr l'Iran avec son programme nucléaire. C'est maintenant un secret de polichinelle, les services israéliens tentent par tous les moyens de perturber le programme scientifique iranien. Plusieurs projets prévoient même le bombardement des installations nucléaires iraniennes. Cependant, il semble que Washington n'ait pas donné son feu vert à une telle opération. En attendant tous les coups sont permis dans cette guerre de l'ombre.
Ainsi plusieurs scientifiques iraniens ont mystérieusement disparus alors qu'ils se trouvaient à l'étranger. Et pas plus tard que le 12 janvier 2010, soit quelques jours après ce regain d'activité, un physicien nucléaire iranien trouvait la mort dans un attentat à la bombe, alors qu'il sortait de son domicile situé dans la capitale iranienne. L'explosion d'une moto piégée aurait été déclenchée à distance. Téhéran a tôt fait d'accuser les agents sionistes et américains, n'hésitant pas à publier un récapitulatif des cas similaires attribués aux services secrets de l'État hébreu. Compte tenu des circonstances, il paraît tentant d'adhérer à cette thèse. Ainsi les messages en question auraient pu être les dernières instructions et le feu vert donnés aux agents infiltrés chargés de réaliser l'attentat. Si l'on en croit le président du parlement iranien, Ali Larijani, les services de renseignement iraniens disposaient d'informations recueillies quelques jours plus tôt indiquant que les services de renseignement israéliens s'apprêtaient à commettre un attentat à Téhéran. Ces informations provenaient peut-être de l'écoute de ces fameux réseaux.

Là, il sera difficile pour notre amateur éclairé d'en avoir confirmation. Il reste juste à espérer que le fameux message de 2006 souhaitant une « Bonne nuit », ne signifie pas en définitif une bonne nuit éternelle...
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À noter pour ceux qui se découvriraient une subite passion pour ce sujet, deux livres à lire absolument :

« La route de Gakona » de jean-Paul Jody et publié au Seuil...
Un thriller où des radioamateurs répartis à travers le monde se suicident sans raison apparente. N'auraient-ils pas eu, à travers leurs activités, connaissance d'informations « top secrètes » touchant à la sécurité nationale des États-Unis?

Pour en savoir plus : http://laroutedegakona.blogspot.com/



« Nom de code Jamila » de Alain Charret et publié aux éditions du Polar.

L'intrigue tourne justement autour des réseaux radios du Mossad et leurs codes découverts par un écrivain français. Le service israélien alerté va monter une audacieuse opération pour éliminer discrètement celui qui est accusé d'être un agent d'influence iranien...

Pour en savoir plus :

http://www.editions-du-polar.com/ivresjamilla.html

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